vendredi 12 mai 2017

Compétences

Je ne me sens compétente dans aucune langue à part le français. Et pourtant je peux tenir une conversation sur tous sujets dans deux autres langues mais non, je ne m’estime pas compétente, le bilinguisme me semble impossible, un fantasme inatteignable. Quelle désillusion, c'est désespérant, j'aurais voulu pouvoir m'exprimer dans tellement plus de langues, apprendre toujours plus de mots, communiquer avec plus de monde. Mais je butte, je stagne, je ne progresse plus, je ne pense pas être à un niveau de palier, je pense juste que ce n'est pas donné à tout le monde. J'ai forcé le destin peut être, je ne sais pas, mon niveau de communication me permet d'entretenir des relations mais de là à forger des amitiés aussi profondes que celles que je peux avoir avec des français, non. Et c'est tellement frustrant ces barrières qu'on ne surmonte pas, ces murs qui restent bien établis, quand je veux élargir mon horizon au pied de biche, je me retrouve face à un mur en béton armé, blindé à l'adamantium.
J'arrive pour autant à avoir une relation en langue étrangère, il n'y a pas besoin de mots pour faire parler des corps et la curiosité de l'un à l'autre entretient une flammèche d'allumette qui n'a pas beaucoup de chance de tenir en Écosse avec tout ce vent et cette pluie.
Je ne sais pas si beaucoup de monde vit cette limite, celle de son cerveau, de ses capacités. La plupart du temps le problème est écarté par un désintéressement, les maths, la littérature, la bio et j'en passe, ces matières qu'on décide plus ou moins volontairement de lâcher. On nous apprend assez vite à cloisonner les matières, les branches, à se spécialiser, à oublier le reste. Peut être qu'une des raisons et de nous protéger de ce moment fatidique où on arrive à la fin de ce qu'on peut faire. Chaque pas en avant sera comme s'il était fait dans les neiges de l’Everest sans oxygène mais un jour ça ne sera plus possible. Personne n'aime se savoir limiter, beaucoup jette de la poudre aux yeux, aux leurs comme à ceux des autres.
Peut-être aussi est-ce que je cherche trop. Je veux apprendre plus de mots pour exprimer plus de choses, essayer de mettre le doigt sur ce qui m'est important, forcer le discours quand lui est encore plus limité que moi. Une autre langue ne m'aidera pas à dire l'amour que je ressens pour mes amis, le soulagement de voir ma famille, la tristesse des moments durs, et l'angoisse de l'existence. Aucun mot ne saurait décrire ça, aucun dessin, rien, nous sommes tous renvoyés à notre solitude quand on essaye d'exprimer quelque chose que l'on ressent dans son corps et ce dernier s'exprime sans cesse si bien qu'on arrive nous même pas à le déchiffrer. C'est bien la vanité des hommes de se croire infini, de vouloir tout contrôler, le contrôle passant par des mots qui deviennent des ordres mais qui ont dans ce monde autant de valeur qu'un trou dans une chaussette.

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